Ces derniers jours, un fait d'actualité en Flandre suscite beaucoup d'interrogations sur les méthodes et la politique de l'AFSCA, l'Agence belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire. L'affaire tourne autour de Lee, un chaton adopté par une jeune fille, Selena (23 ans), lorsqu'elle séjournait au Pérou pour un stage. Rapatriée suite à la crise du Covid-19, Selena a tenu à ramener Lee avec elle en Belgique.
Cependant, les règles concernant la lutte contre la rage sont très strictes. Lorsqu'elle a eu vent de l'arrivée de Lee sur le territoire belge, l'AFSCA a immédiatement exigé son euthanasie, sous prétexte que le chaton n'était pas en règle de vaccination. Il a bel et bien été vacciné contre la rage au Pérou, mais un test sérologique devait être effectué au moins trois mois avant l'introduction de l'animal en Belgique, ce qui n'était pas possible dans l'urgence du rapatriement. Si les règles pour empêcher la réapparition de la rage en Belgique sont évidemment nécessaires, la réaction de l'AFSCA est ici choquante, au moins à deux niveaux.
Un jugement qui pose question
Premièrement, l'Agence affirme que « pour éliminer tout risque d’infection, [l']euthanasie est la seule solution ». C'est faux ! Un arrêté royal du 13 décembre 2014 prévoit que dans une telle situation, l'animal peut être placé sous surveillance au lieu de destination ou placé en quarantaine. L'euthanasie n'est une option « qu'en dernier recours ».
Bien sûr, il aurait été préférable que Selena ne ramène pas Lee en Belgique lors de son rapatriement. Mais il serait incompréhensible que le chaton paie de sa vie cette décision maladroite, alors qu'une mise en quarantaine serait parfaitement possible. La mise en place de celle-ci ne requiert qu'un peu de volonté. Le fait que l'AFSCA soit à ce point résolue à plutôt tuer un animal pose de sérieuses questions sur la politique de cette agence étatique.
Écœurante intimidation
Deuxièmement, l'AFSCA fait montre d'une écœurante démonstration de force pour parvenir à ses fins. Le 12 mai, l’inspecteur vétérinaire de l'Agence a fait irruption, sous escorte policière, au domicile de Selena pour saisir Lee. Le chaton est resté introuvable.
L'intimidation est alors montée d'un cran supplémentaire : l'AFSCA a démarré une procédure en extrême urgence auprès du tribunal de première instance d'Anvers, pour imposer à la jeune fille une astreinte de 5000 € par heure (!) tant qu'elle ne laisse pas son chat se faire tuer. Elle exige aussi que Selena ne puisse s'exprimer dans la presse, sous peine d'une amende de 1000 € par infraction. Après un premier examen le 15 mai au matin, le juge en référé a décidé de reporter l'affaire à une prochaine audience le 29 mai.
Le cas de Lee est donc en suspens, mais le chaton reste en tout cas en vie d'ici-là. L'avocat de Selena espère obtenir alors un accord qui ira alors dans le sens d'une quarantaine, ce qui serait une décision d'autant plus évidente deux semaines plus tard !
Une intervention très sélective
C'est loin d'être la première fois que l'AFSCA ordonne aveuglément et promptement la mise à mort d'animaux sauvés et adoptés à l'étranger. Son impressionnante mobilisation dans le cas de Lee contraste grossièrement avec son inaction flagrante sur des problématiques structurelles d'infractions à la législation sur le transport commercial d'animaux. Je pense d'une part aux interminables transports d'animaux dits « de rente » qui traversent la Belgique ; de nombreuses investigations ont démontré que les animaux y subissent les pires supplices, avec à la clé de nombreuses violations à la législation européenne déjà très permissive. Et, d'autre part, à l'arrivée en Belgique de dizaines de milliers de jeunes chiens issus d'usines à chiots en Europe centrale et de l'Est, dans des conditions de contrôle largement insuffisantes.
Quelle que soit la décision que le tribunal de première instance prendra le 29 mai, les citoyens belges sont en droit de se poser des questions sur les méthodes employées par l'AFSCA, qui montre un visage terriblement rétrograde par rapport à la considération que les animaux sont en droit de recevoir. D'autres pays, comme l'Angleterre, appliquent des mesures de quarantaine plutôt que des euthanasies froides et cruelles. La Belgique ferait bien de s'en inspirer.
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