Le mercredi 24 novembre, le Gouvernement bruxellois a présenté son projet de budget pour 2022 pour sa compétence du bien-être animal. En voici une analyse critique. Pour écouter mon intervention complète en commission Environnement du Parlement bruxellois, cliquez sur ce lien.
Quels montants ?
Par rapport à l’année précédente, le changement le plus évident est la sensible augmentation budgétaire dont cette matière cette matière va bénéficier en 2022 : 2.311.000 € (+ 263.000 € par rapport à 2021).
C’est beaucoup, 2,3 millions ? Pas vraiment, si on compare ce montant aux budgets alloués aux autres compétences de la Région. Ainsi, le bien-être animal ne reçoit que 1 % des montants alloués à la seule mission budgétaire n°23 (consacrée à la « Protection de l’environnement, Conservation de la nature, le Bien-être animal et la Démocratie Participative »).
Parmi les autres matières dont Bruxelles a la charge, le bien-être animal reste donc un parent pauvre. Au point où il existe toujours une grande disparité entre, d’une part, les attentes des citoyens en matière de protection des animaux et, d’autre part, les moyens qu’y consacrent les pouvoirs publics.
Une hausse, mais pour quels travaux ?
Ne soyons cependant pas pessimistes car augmentation du budget, il y a. Mais encore faut-il voir ce qui sera fait de ces 263.000 euros supplémentaires. Or, en examinant les tableaux, on voit que la quasi-totalité de ce montant sera consacrée à des « frais de fonctionnement payés à des secteurs autres que les administrations publiques ».
Que faut-il en comprendre ? Vraisemblablement que cet argent servira à rémunérer un bureau de consultance juridique, qui aidera à la rédaction du futur code du bien-être animal (dont l’objectif est de revoir la législation actuellement en vigueur).
Dans ce cas, il faut espérer que ce Code sera véritablement ambitieux, et non une copie du Code wallon qui serait simplement adaptée au contexte bruxellois. Car il faut tout de même souligner que le montant total alloué au paiement d’études et de services représente à lui seul un tiers du budget disponible pour le bien-être animal, soit 775 000 euros.
Code du bien-être animal : bien mais…
Depuis sa formation en juillet 2019, la rédaction d’un Code du Bien-être animal constitue l’objectif central visé par l’actuel Gouvernement bruxellois en matière de protection des animaux. C’est très bien en soi, car la législation actuelle (dont le cadre date de 1986) mérite une solide révision. Mais je regrette que le calendrier imposé par l’adoption de ce Code – qui n’aura pas lieu avant 2023, voire 2024 – empêche entre-temps l’adoption de mesures qui seraient pourtant utiles aujourd’hui.
Je pense notamment à l’instauration d’un permis de détention d’animaux, dont on discute depuis des années au Parlement bruxellois. Le système de permis wallon a été instauré il y a plus de trois ans déjà, et on sait aujourd’hui de quelle manière ce système pourrait être amélioré, ou du moins dans quelle direction il faudrait aller. Donc inutile d’attendre encore deux ans, car si les choses sont faites correctement, il pourrait être un outil réellement efficace dans la lutte contre la maltraitance animale.
Le problème des contrôles
Un autre problème concerne le département bien-être animal de Bruxelles Environnement, qui est chargé des contrôles (dans les laboratoires, les élevages, les animaleries, l’abattoir d'Anderlecht, les particuliers en cas de plainte, etc.). Malgré plusieurs annonces par le Gouvernement, le nombre d’inspecteurs-vétérinaires n’a pas évolué depuis le début de la législature. Comme en 2019, le département ne compte toujours que trois inspecteurs. Et comme en 2019, le recrutement de deux personnes supplémentaires est prévu. Les départs et les fluctuations dans un service sont bien sûr difficilement prévisibles, mais le fait est que le travail – et donc la condition animale – pâtit de cette situation de carence.
De toute façon, on peut se demander si 5 inspecteurs suffisent vraiment pour effectuer correctement toutes les missions dévolues à ce département sur tout le territoire de la Région, mais aussi pour assurer des conditions de travail correctes pour les employés de l’administration. C’est une très bonne démarche de revoir la législation sur le bien-être animal et de la refondre dans un code, mais encore faut-il des personnes pour le faire appliquer.
Questions sans réponses
Pendant les débats budgétaires en commission, j’ai encore posé d’autres questions plus brèves sur certaines annonces du Gouvernement. Ces questions n’ont pas reçu de réponse, mais j’aurai l’occasion d’interroger le Ministre du Bien-être animal courant 2022. Il s’agit notamment des points suivants :
Le Gouvernement a visiblement procédé à une opération de comptage des pigeons urbains. Quel en est le résultat, et quelles sont les intentions ?
Concernant les infractions à la loi sur la protection des animaux, pas un seul euro de recette n’a visiblement été perçu en 2021 dans le cadre d’amendes administratives. Pourquoi Bruxelles Environnement n’a pas fait usage de cette possibilité, alors qu’il y a certainement eu de multiples infractions ?
Concernant le rappel de la loi sur la stérilisation obligatoire des chats domestiques, le Gouvernement évoque vaguement une sensibilisation des citoyens. Sous quelle forme et avec quels moyens ? La situation des chats errants sur le terrain est malheureusement toujours aussi catastrophique, voire plus qu’avant. Outre la sensibilisation, il faudrait aussi passer à un régime de sanctions pour les propriétaires qui ne respectent pas l’obligation. C’est indispensable si l’on veut éviter une vie misérable à des milliers de chats en rue.
Du positif, mais quid des labos et de la viande ?
Enfin, il faut reconnaître que certains autres projets évoqués sont très positifs ; je pense notamment aux subsides qu’il est prévu d’octroyer aux refuges bruxellois. Il est indispensable de soutenir comme il se doit les acteurs de terrain.
Des avancées existent, donc, mais la route est encore longue avant que l’on tienne réellement compte des intérêts des animaux, y compris ceux que l’on tue dans les laboratoires et dans l’abattoir d’Anderlecht. Concernant ces deux sujets – et beaucoup d’autres –, je continue(rai) bien sûr de taper sur le clou : il faut accentuer les mesures amenant une réduction drastique des tests sur animaux ET de la consommation de viande !
Dans sa note budgétaire, le Gouvernement semble pourtant bien au fait des arguments moraux impérieux qui imposent de changer notre rapport à la vie sentiente, puisqu’il écrit : « Les animaux sont intelligents et capables de ressentir des émotions telles que la peur et la douleur ainsi que le plaisir et le bonheur. Dès lors, il nous appartient de consacrer les moyens nécessaires pour leur protection et leur bien-être, au sens large. » Reste à joindre les actes à la parole.