Intervention prononcée le 11 juin 2021 en séance plénière du Parlement bruxellois, lors de la discussion générale concernant le « projet d'ordonnance climat ». Pour lire l'intégralité des échanges, cliquez ici.
Sur le plan médiatique, la pandémie a quelque peu relégué le dérèglement climatique au second plan ces derniers mois mais il aurait évidemment été désastreux d’en faire de même sur le plan politique. D’autant plus que ces deux périls partagent des causes communes et qu’ils doivent logiquement nous pousser à remettre en question certains de nos modèles de société. La forêt brûle, et il est urgent d’éteindre l’incendie.
Il faut donc accueillir favorablement cette ordonnance, qui vient fixer un nécessaire cadre juridique autour de l’action climatique de notre région.
Ses objectifs centraux ont été détaillés en commission. Il s'agit en premier lieu de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de prévoir et de planifier les principes généraux de la politique en la matière, d’établir des mécanismes permettant de suivre et d’évaluer cette politique, et enfin d’interdire certains types de chauffage.
Comme c’est aussi le cas dans la déclaration de politique régionale, le projet d’ordonnance distingue les émissions directes et les émissions indirectes de gaz à effet de serre. Pour ce qui concerne les émissions directes, les objectifs de réduction sont importants : 40 % en moins d’ici 2030, 67 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050, par rapport aux valeurs de 2005. En l'occurrence, ce foyer d’incendie a été circonscrit et on a une idée des moyens nécessaires pour l’éteindre.
Il semble aussi qu’on a pu correctement identifier ce qui alimente ce foyer. En commission, Monsieur Maron nous a en effet rappelé quelques chiffres relatifs aux causes principales des émissions directes de gaz à effet de serre de la région. 54 % provient ainsi de l’énergie utilisée par les bâtiments résidentiels et du tertiaire, et 28 % est engendré par le secteur des transports. Outre l’interdiction des chauffages au mazout et au charbon, il faut donc espérer que les millions qui seront investis dans la rénovation du bâti et que les différents objectifs du plan Good Move seront suffisants pour atteindre les objectifs de réduction. Mais personne ne doute que les débats parlementaires seront encore vifs sur ces matières.
Les discussions en commission ont porté sur plusieurs aspects, comme le rôle et la composition du comité d’experts qui sera chargé du suivi de l’action climatique de la région, ou encore sur les éventuelles projections chiffrées des réductions par secteur. L’objectif n’est pas de refaire le débat, mais il y a quand même pour moi un bémol à savoir le fait que si on a correctement délimité le premier foyer d’incendie que constituent les émissions directes, tout reste encore à faire pour s’attaquer au deuxième, c’est-à-dire les émissions indirectes. Et ce brasier-là serait cinq fois plus destructeur que le premier, comme le dit l’ordonnance elle-même.
Dans ses premières pages, le texte nous promet « un objectif de réduction des émissions indirectes de gaz à effet de serre de la Région”, ainsi qu’une “stratégie visant notamment à décliner ces objectifs de réduction des émissions indirectes au niveau des différents secteurs ». Mais cette stratégie, on ne la trouve nulle part dans l’ordonnance puisque l'idée est en réalité de réaliser une étude permettant de connaître avec plus de précisions ces émissions indirectes.
Monsieur Maron s'est exprimé à ce sujet, et je comprends bien sûr qu’il soit moins évident et moins rapide de calculer ces types d’émissions, surtout si la méthode doit encore être établie. Mais dans une région comme Bruxelles, qui importe pratiquement tous ses biens de consommation, son alimentation et son énergie, on aurait pu s’attendre à ce que l’accent sur l’impact climatique de ce qui nous provient soit justement mis plus tôt et avec plus d’ambition.
De plus, je ne pense pas qu’il faille être très confiant dans l’idée que les émissions indirectes à Bruxelles vont se résoudre d'elles-mêmes grâce aux obligations de réduction qui seront aussi imposées à l’étranger, là où sont produites les choses que nous consommons ici. Pour citer un exemple, le secteur de l’élevage d’animaux en Belgique, les animaux qui sont notamment mangés à Bruxelles, donc, est grandement dépendant des importations de soja et de maïs venant notamment d’Amérique du Sud. Et dans ce domaine, je ne pense pas que la tendance soit à un sursaut écologiste radical. Dans ces pays, c’est au sens littéral que la forêt brûle.
Donc au final, je voterai bien sûr en faveur de cette ordonnance pour les objectifs qu'elle fixe et le cadre qu'elle érige concernant les émissions directes, et j'encourage le gouvernement à mettre les bouchées doubles pour ce qui concerne encore la plus grosse partie de notre empreinte climatique.
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