Intervention prononcée le 20 septembre 2023 en séance plénière du Parlement francophone dans le cadre de l'examen du projet de décret validant l’accord de coopération sur la généralisation du programme EVRAS (adopté à l'unanimité, moins une abstention).
Deux semaines après le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est donc à notre Parlement francophone de se pencher sur ce projet de décret validant l’accord de coopération sur la généralisation du programme d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle.
Et c’est peu dire qu’en deux semaines, ce dossier a pris une tournure et connu des répercussions qu’il n’était pas possible d’ignorer aujourd’hui.
Malheureusement, nous avons toutes et tous pu lire un nombre déplorable de contre-vérités sur le nouveau guide EVRAS. L’une d’entre elles, la plus évidente, est que les enfants n’ont pas besoin d’être informés sur le sujet. Je pense que rien n’est plus faux.
À 4 ans, je me demandais si j’étais un garçon ou une fille. À 6 ans je me posais des questions sur mon orientation sexuelle. Vers 10 ans, les gestes et les réflexions déplacés ont commencé à mon encontre. À 11 ans, j’ai été confrontée à la pornographie pour la première fois. À 12 ans, je pensais mourir d’une hémorragie lorsque mes premières règles sont apparues. À toutes ces périodes de mon enfance, j’étais cruellement en manque d’informations encadrées, objectives, rassurantes, sur ces sujets, mais encore beaucoup d’autres.
Oui, l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle est une nécessité. Parce qu’elle vise à faire comprendre aux plus jeunes ce qu’est un comportement abusif et d’autres choses tout aussi fondamentales, que beaucoup n’apprennent jamais à la maison.
On le sait, beaucoup de contre-vérités qui circulent à propos de l’EVRAS sont le fait de campagnes de désinformation, orchestrées pour des motifs idéologiques par une série de groupes réactionnaires et identitaires. Leurs propos manipulatoires et leurs amalgames délictuels doivent être dénoncés et combattus.
Plus largement, il est très inquiétant pour la démocratie que les manœuvres de manipulation anti EVRAS puissent aboutir à convaincre une série de personnes de choses aux antipodes de la réalité. Je pense par exemple à certaines pancartes brandies dimanche dernier lors de la manifestation contre l’EVRAS, qui assimilaient les animations EVRAS à de la pédopornographie en milieu scolaire, alors que l’un des objectifs de ces animations est justement de prémunir les enfants de la pédocriminalité. Et je ne parle même pas des écoles incendiées ces deux dernières semaines.
On le voit dans ce dossier comme on l’a vu pendant la crise du Covid, un gros travail de dialogue et de promotion de la pensée critique doit être mené dans notre société. C’est, je pense, vital pour la pérennité d’une démocratie, même si cela dépasse bien sûr le cadre du projet de décret qui est soumis aujourd’hui.
Cela étant, je pense qu’il faut aussi reconnaître qu’il est normal que les parents s’interrogent en toute bonne foi sur le contenu et l’encadrement des formations qui sont données à leurs enfants sur des sujets qui touchent à l’intimité.
Si de nombreuses ressources se trouvent en ligne, en premier lieu sur le site evras.be, pour informer au mieux les parents, force est de constater que des craintes subsistent.
Je pense qu’il incombe à nous toutes et tous de tenter de maintenir le dialogue, et d’expliquer au mieux les raisons de la mise en place de façon structurelle d’une éducation à la vie sexuelle et affective en milieu scolaire. Comme l’explique très bien le projet de décret, l’utilité de ces formations fait en réalité l’objet de discussions depuis des décennies.
Au cours du temps, l’EVRAS a connu un processus de consolidation permanente, et sa généralisation était une des grandes attentes de cette législature, en faveur de laquelle beaucoup de parlementaires, dont je fais partie, ont plaidé ces quatre dernières années. Il faut donc voir ce projet de décret comme une forme d’aboutissement.
Mais l’accord de coopération ne vise pas qu’à rendre obligatoires les animations EVRAS, il leur apporte également une série de balises. Premièrement, l’adoption d’un cadre commun de référence était clairement une nécessité, afin de parvenir à un guide servant de ressource unique pour les trois gouvernements et les acteurs et actrices à proprement parler.
Deuxièmement, et dans le même élan, l’accord de coopération se devait aussi d’uniformiser l'opérationnalisation des animations, et c’est donc ce qui est visé à travers le label EVRAS, que pourront solliciter les candidats opérateurs.
Et un troisième point important concerne la gouvernance et le suivi, puisque le texte prévoit la possibilité de contrôler chaque année les objectifs fixés, par le biais d’un comité d’accompagnement en plus d’un comité d'attribution du label.
Comme je l’ai évoqué, l’un des reproches que l’on entend régulièrement à propos de l’EVRAS est que cette éducation à la vie sentimentale, affective et sexuelle est une responsabilité de la famille, et pas de l’école. Mais cet argument omet deux choses.
Premièrement, le fait que cette éducation est justement complètement absente de très nombreux foyers, et qu’il revient à l’enseignement public de pallier cette carence, pour le bien des plus jeunes.
Et deuxièmement, le fait qu’énormément de violences sexuelles pendant l’enfance et l’adolescence ont justement lieu dans le cadre familial.
Face à cette réalité, il est évidemment indispensable de disposer de professionnels, reconnus et encadrés par les pouvoirs publics, à même de répondre aux différents questionnements des plus jeunes, d’une manière adaptée à leur âge et à leur vécu.
Je me permets encore un mot pour dénoncer fermement certains positionnements anti-EVRAS qui ne sont motivés par rien d’autre que de l’homophobie, de la biphobie ou de la transphobie.
Comme l’ont rappelé plusieurs membres des gouvernements qui ont défendu le texte, notamment Madame Caroline Désir, l’homophobie, la biphobie et la transphobie sont des délits, tout simplement. Et il faut se demander pour quelle drôle de raison les jeunes seraient trop jeunes pour qu’on aborde avec eux la question de leur sexualité, sauf dans le cas où leur sexualité est hétéro.
Cela étant, je me réjouis de la nette avancée que représente ce projet de décret portant la généralisation de l’EVRAS, et j’espère qu’il sera soutenu de façon unanime dans ce parlement.
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