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La part des protéines animales dans les cantines scolaires

Demande d’explications adressée le 19 février 2020 au Ministre bruxellois de l’Environnement – et convertie en question écrite (en raison de la crise sanitaire) – concernant la part des protéines animales dans les cantines scolaires

 

La Ligue de l’Enseignement et de l’Education a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant la part des protéines animales dans les menus des cantines scolaires. La Ligue demande aux instances politiques de s’inscrire véritablement dans une démarche de « transition écologique de l’alimentation ». Concrètement, il faut réduire drastiquement la part de la viande dans les cantines. Dans son appel, la Ligue cite l’organisation Greenpeace, qui a calculé que « chez les enfants de 3 à 13 ans, la consommation de protéines animales est près de 2 fois plus élevée que nécessaire ».


Réduire la part de la viande ne présente que des avantages. En l'occurrence, ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les associations. En 2018, Greenpeace a publié un rapport scientifique qui permet de se rendre compte des bénéfices qu’entraînerait une telle transition alimentaire :


  • Premièrement, en matière de santé : il s’agirait d’une réduction du risque de souffrir de maladies cardio-vasculaires, d’obésité, de diabète de type 2 et de différents types de cancers, ce qui allègerait en corollaire les dépenses en matière de soins de santé.

  • Ensuite, un soulagement pour le climat, puisque l’élevage concentre à lui seul 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique.

  • Enfin, nous pourrions réduire drastiquement la souffrance animale. Plus de 300 millions d’animaux sont tués chaque année en Belgique pour être mangés.


Le Conseil Supérieur de la Santé a également communiqué à plusieurs reprises sur la surconsommation de viande. Dans un long dossier de juin 2019 sur les recommandations alimentaires pour la population belge adulte, il estime que la consommation de légumineuses devrait être encouragée, en tant que source de protéines et d’acides aminés essentiels. Un cinquième de la population belge déclarerait en effet ne jamais en manger. Le Conseil recommande aux consommateurs de remplacer régulièrement la viande par des léguminueuses, et d’en consommer quotidiennement. Il rappelle que les légumineuses présentent en outre l’avantage d’un faible impact sur le climat. La consommation de viande transformée devrait en tout cas être inférieure à 30g par semaine, et celle de viande rouge inférieure à 300g par semaine. Idéalement, il faudrait même ne pas manger plus de 25g de viande rouge par jour, selon le CSS. Ces chiffres sont des recommandations pour les adultes.


Je pense qu’un des contextes idéaux pour mettre en place cette transition est celui des cantines scolaires. Non seulement les enfants et les adolescents sont un public pour lesquels une alimentation équilibrée constitue un aspect primordial de bonne santé, mais il me semble également essentiel de travailler sur la question d’une éducation alimentaire des plus jeunes.


À ce titre, je me réjouis du fait que les gouvernements de la Région et de la Commission communautaire française ont annoncé la volonté d’élaborer un plan social-santé, en lien notamment avec la stratégie Good Food, comme je l’ai lu et entendu en séance du Parlement francophone. J’aimerais cependant insister sur la nécessité et l’urgence de travailler sur une politique forte en matière de consommation de viande.


Un mot sur la stratégie Good Food, justement. Elle présente des objectifs très positifs. Augmenter les espaces potagers, inciter les ménages à produire une partie de leur nourriture ; tout cela est évidemment louable et important. Dans le document de présentation de la stratégie Good Food, on trouve aussi quelques objectifs concernant la question de la viande. Mais ces objectifs concernent très peu les écoles, et c’est un problème. Par exemple, on visait à l’horizon 2020 une réduction du grammage de viande de 30 % par repas dans les cantines labellisées cantines durables. Mais je lis que cet objectif exclut les cantines scolaires. Cette exception m’interpelle. Un autre objectif était d’atteindre 50% des cantines scolaires proposant un menu végétarien par semaine, toujours à l’horizon 2020. Vu l’état des lieux et les recommandations en la matière, ça me semble assez peu ambitieux.


Au tout début de cette législature, ma collègue Gladys Kazadi avait déjà interrogé Monsieur Maron au sujet de l’impact désastreux de la consommation de viande sur le climat, pointé du doigt par le dernier rapport du GIEC. Elle demandait concrètement si le Gouvernement comptait davantage travailler sur cette question. Dans sa réponse, le ministre rappelait la volonté du Gouvernement de réduire l’impact environnemental indirect de la Région, notamment en diminuant la consommation de produits riches en protéines animales, mais sans vraiment rentrer dans les détails. Je pense qu’on devrait travailler plus en profondeur sur cette question.


Le Gouvernement ambitionne de lutter contre le gaspillage alimentaire. C’est très bien. Mais il ne faut pas oublier que la viande est en elle-même un gaspillage alimentaire. Parce qu’il faut le dire : l'élevage consomme plus de nourriture qu'il n'en produit. Globalement, pour produire des protéines animales, il faut beaucoup plus de protéines végétales qui sont pourtant consommables par l’humain. Et je ne détaille même pas la question des énormes surfaces de sol nécessaires à la production de produits animaux, qui est ainsi une cause majeure de déforestation.


Aujourd’hui, beaucoup veulent continuer à manger de la viande comme ils le font, mais souhaitent dans le même temps que les animaux soient mieux traités. C’est mathématiquement impossible. On ne peut pas élever des animaux de manière extensive tout en répondant à la demande en viande actuelle. Dans une autre étude réalisée à la demande de Greenpeace, un institut de recherche de l’UCL a calculé à quoi devrait ressembler l'élevage en Belgique pour rester dans ses limites écologiques. Le modèle utilisé est celui d’une production de viande au sein d'exploitations biologiques, dans lesquelles les bovins occupent les prairies disponibles et où les porcs et les poulets sont nourris avec des aliments régionaux. Pour que ce modèle puisse être mis en pratique, la production et la consommation de viande en Belgique devraient diminuer de 83 %. On est donc très, très loin d’un modèle extensif. Actuellement, une majorité écrasante des animaux en Belgique sont détenus dans des élevages ultra industriels, qui les exposent aux pires douleurs. Si des chiens ou des chats étaient détenus et traités de la même manière à Bruxelles, les inspecteurs de Bruxelles Environnement saisiraient les animaux, et le propriétaire serait devant le tribunal.


Tous ces éléments me laissent donc penser que les objectifs actuels du Gouvernement en matière de consommation de viande, et spécifiquement dans les cantines scolaires, mériteraient d’être revus à la hausse. Mes questions sont les suivantes :


  • Le Gouvernement a-t-il pris connaissance de la communication de la Ligue de l’Enseignement à propos de la part trop élevée de la viande dans les cantines scolaires ?

  • Le Gouvernement peut-il déjà annoncer l’état des concertations concernant le futur plan social-santé qu’il entend développer avec la Commission communautaire française ?

  • Est-qu’une réflexion a déjà été menée sur la question de la surconsommation de viande dans les cantines scolaires, par exemple dans le cadre des futurs objectifs du plan Good Food ?

 

Réponse du Ministre bruxellois de l’Environnement, reçue le 30 avril 2020


1) Le gouvernement a-t-il pris connaissance de la communication de la Ligue de l’Enseignement à propos de la part trop élevée de la viande dans les cantines scolaires ?

L’administration de Bruxelles Environnement et le Cabinet du Ministre en charge de l’Environnement et de la conduite d’une politique d’alimentation durable ont bien pris connaissance de la communication de la Ligue de l’enseignement. Comme le mentionne cette communication en conclusion, c’est bien tout le système alimentaire qui doit être repensé.

2) Le Gouvernement peut-il déjà annoncer l’état des concertations concernant le futur plan social-santé qu’il entend développer avec la Commission communautaire française ?

Le Plan Social-Santé intégré est en cours d’élaboration. Dû à la crise du COVID19 et à la mobilisation conséquente du cabinet, des administrations et des acteurs de terrain sur celle-ci, certaines étapes de travail ont été décalées de quelques semaines. Les résultats de ce travail seront communiqués une fois que celui-ci sera achevé.

3) Est-ce qu’une réflexion a déjà été menée sur la question de la surconsommation de viande dans les cantines scolaires, par exemple dans le cadre des futurs objectifs du plan Good Food ?

La promotion d’une alimentation durable dans les cantines scolaires bruxelloises, dont la surconsommation de viande fait partie, s’inscrit dans deux cadres :

- L’accord de coopération entre les Régions et la Communauté Française en matière d’Education Relative à l’Environnement ;

- La Stratégie Good Food.

La gestion des cantines scolaires relève de la compétence des Communautés et des Pouvoirs Organisateurs, dont les Pouvoirs Locaux. Pour cette raison, la Région collabore avec ces derniers, dans le cadre d’un Accord de Coopération, afin de sensibiliser ces acteurs et les soutenir dans leur démarches environnementales. Dans ce cadre, Bruxelles Environnement a conseillé la CFWB dans son travail d’adaptation d’un cahier de charges techniques pour les marchés de fournitures de repas aux écoles. Bruxelles Environnement participe aussi à l’évaluation de l’appel à projets « repas gratuits» porté par la CFWB en vue d’en améliorer la qualité par des critères de santé, d’environnement et de programme éducatif.

Par ailleurs, Bruxelles Environnement travaille également avec les communes bruxelloises en les soutenant dans l’intégration de critères Good Food dans leurs cantines scolaires, mais aussi leurs crèches, au travers de l’appel à projet communes et CPAS. Plusieurs communes ont déjà bénéficié de ce soutien financier. A disposition des communes se trouve également une plateforme web reprenant toutes sortes de cahiers des charges durables et exemplaires, notamment pour les cantines scolaires. Ce cahier des charges reprend des recommandations en matière de grammage de viande.

Par ailleurs, la stratégie Good Food travaille depuis une dizaine d’années sur des projets d’alimentations durables dans les cantines scolaires. Elle a créé le label Good Food Cantines qui prévoit l’obligation d’offrir 1 repas végétarien par semaine et de respecter un grammage maximum de viande ou un grammage minimum de légumes.

Le label se veut être un parcours évolutif et ce afin d'intégrer autant de cantines que possible dans les démarches de labélisation. Les grammages demandés pour la viande en cantine scolaire pour le label Good Food sont actuellement au maximum (selon l’âge) de 140g par repas. Des points supplémentaires sont accordés si le grammage est réduit à 120g ou 100g. Il est prévu que ces niveaux de grammages soient plus sévères à partir de juin 2020 et un maximum par semaine sera ajouté :

- Pour les jeunes enfants (entre 3 et 6 ans), les grammages ne dépassent pas 100g (1 point), 85g (2 points) ou 70g (3 points).

- Pour les enfants (entre 6 et 12 ans), les grammages ne dépassent pas 112g (1 point), 96g (2 points) ou 80g (3 points).

Bruxelles Environnement développe en ce moment un label Good Food pour les cuisines centrales qui approvisionnent de nombreuses écoles bruxelloises. L’obtention de ce label sera également conditionnée à un repas végétarien par semaine et au respect de quantités maximales de viande.

Parallèlement, les services de Bruxelles Environnement sont également engagés dans des projets de sensibilisation auprès des équipes pédagogiques, des parents et des enfants. Ces projets abordent entre autres la question de la consommation de la viande


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