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Le plan de relance du Gouvernement bruxellois sous la loupe, 17 juillet 2020

Intervention en séance plénière du Parlement bruxellois le 17 juillet 2020 suite à la présentation par le Gouvernement de son plan de relance de « court terme ». La discussion complète est disponible via ce lien.

 

Comme beaucoup de mes collègues, j’ai pris connaissance de l’approbation de ce plan de relance et de ses orientations dans la presse la semaine dernière.


Plus tard, c’est à dire lundi dernier, la commission des finances se penchait sommairement sur le projet d’ordonnance du Gouvernement qui prévoit donc le dégagement d’une somme de 120 millions d’euros destinée à ce plan de relance. A cette occasion, nous recevions un tableau budgétaire résumant la ventilation prévue pour ce montant.


Cela veut dire que si je n’avais pas été présente lundi dernier pendant cette séance de commission, dont je ne suis pas membre, et si je n’avais pas reçu de manière détournée une copie du dossier de presse du Gouvernement, il m’aurait été impossible de réagir, même succinctement, à ce projet d’ordonnance.


Je peux évidemment comprendre qu’il s’agit d’un texte qui s’inscrit dans un contexte particulier, mais j’ai tout de même l’impression que dans la pratique, on n’a pas tout à fait perdu l’habitude des pouvoirs spéciaux.


Une autre remarque générale : on entend dans la presse depuis deux semaines qu’il s’agit véritablement d’un plan de relance, mais si on lit bien les documents, et notamment la question de la temporalité, on se rend compte qu’il est en fait très clairement question de mesures intermédiaires et de court terme. Je ne remets pas en cause l’utilité de cette temporalité, mais je me demande si la communication du Gouvernement ne va pas provoquer une confusion bien inutile, dans la mesure où la vraie relance et le vrai déploiement seront présentés plus tard dans l’année.


Je partage en revanche l’avis de la majorité quand elle indique que certains points présents dans sa déclaration de politique générale vont dans le sens d’une relance et d’un redéploiement sains. Je lis donc d’un bon oeil les insistances sur les notions de résilience et de durabilité qui, selon le gouvernement, animent en arrière-plan la nouvelle batterie de mesures financières. Mais je pense qu’il nous manque beaucoup d’éléments d’information pour savoir comment cet objectif se retrouve dans la ventilation des 120 millions.


Par exemple, la communication de ce plan à la presse mentionne que celui-ci devra contribuer aux objectifs de la Région en matière de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité, ou encore qu’il devra amener une transition plus respectueuse de l’environnement. Or, en analysant le tableau budgétaire des 120 millions, les leviers qui seront utilisés pour atteindre ces objectifs ne sautent franchement pas tous aux yeux, même après la présentation par le Ministre-président. Bien sûr il y a les primes énergie et rénovation, ainsi que quelques points sur la mobilité. Mais j’aimerais en savoir plus sur ce que le Gouvernement entend par exemple par la gestion et le réaménagement de l’espace public, qui concerne plusieurs millions. Et je suis assez inquiète par rapport à des points tels que la stimulation du commerce international, qui comprend par exemple la volonté d’attirer des investisseurs étrangers, et le déploiement d’une nouvelle stratégie d’exportation. J'aimerais que le gouvernement nous rassure quant au fait que cela ne va pas s'opposer à la volonté affichée de créer de l’emploi durable et de qualité, qui profite à l’économie réelle et locale bruxelloise. Si je comprends bien le tableau budgétaire, qui est assez laconique, j’ai aussi la nette impression qu’on essaie de profiter de la crise pour faire passer des plans de PAD comme le PAD Josaphat, qui devient maintenant une mesure urgente à court terme, à laquelle il faudrait réserver plus de 500 000 euros du plan de relance. Il faut quand même rappeler que ce projet de PAD prévoit de bétonner une bonne partie des 25 hectares de la friche Josaphat, qui constitue un lieu de vie et d’étape pour de très nombreuses et rares espèces végétales et animales à Bruxelles. Je trouve ça très interpellant, alors que le dossier de presse du gouvernement explique encore que les mesures prises devront - je cite - « contribuer de façon directe ou indirecte aux objectifs de la Région en matière de lutte contre le changement climatique et de biodiversité ». Il faut noter que nous avons reçu très peu d’informations sur les montants dans le plan que nous venons de recevoir. À quoi serviront ces 500.000 euros ? Sans information, on en est réduits à faire des suppositions. Les PAD sont un exemple de cette situation, mais il y en a d’autres.


Je m’interroge aussi sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à dynamiser certains outils existants et pas d’autres. Je lis ainsi qu’on va intégrer la relance par exemple au plan Good Move ou au plan régional de développement durable. En soi c’est très bien. Mais je ne vois pas de mention de la stratégie Good Food, ni dans le dossier de presse, ni dans le tableau des montants, ni dans la présentation du Ministre-Président. Pourtant, la question de l’alimentation me semble véritablement centrale dans la volonté d’amener une société plus durable et plus résiliente, notamment par un travail de réduction massive de la consommation de viande, puisqu’on connaît l’impact de celle-ci sur l’environnement. J’ai récemment interrogé Monsieur Maron sur cette question, et il semble que le Gouvernement prévoit à un moment de rehausser les ambitions du plan Good Food. Je pense que ce projet de relance aurait été le bon endroit pour le faire. Je resterai attentive aux futures annonces à ce sujet.


Mes collègues ont déjà commenté les mesures prévues en faveur de l’emploi, de la formation, des entrepreneurs ainsi qu’au secteur des soins de santé. Je ne vais pas revenir dessus, j’espère simplement que tout cela sera suffisant à court terme, parce qu’il y a des raisons d’être inquiets.


Je salue tout de même au passage le deuxième grand axe, qui est prévu pour lutter en faveur de l’égalité des chances. Je pense qu’intégrer cet aspect dans un plan de relance ou de soutien est une très bonne démarche globaliste et inclusive, qui tient compte des publics les plus touchés par la crise. Nous serons attentifs aux résultats.


Pour finir, toujours en commission des finances lundi dernier, plusieurs de mes collègues ont beaucoup parlé de la confiance dans le Gouvernement. Mais pour réagir à une drôle d’analogie que j’ai entendue lundi, il ne s’agit pas de se laisser surprendre par la surprise du chef dans un restaurant de quartier. Nous sommes dans un Parlement, et notre travail consiste à contrôler l’action du Gouvernement. Je veux sincèrement bien donner ma confiance dans ce projet, comme je l’ai fait l’année dernière suite à la déclaration de politique générale, mais pour ce faire, il me semble que les parlementaires devraient tout de même pouvoir recevoir plus d’informations, de première main, et ne pas devoir se les procurer d’une manière détournée ou les voir apparaître dans leur boîte e-mail le jour du vote.


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