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Les ravages de la viande en question au Parlement bruxellois

Question orale adressée le 1er juillet 2020 au Ministre bruxellois de l'Environnement. Pour lire l'intégralité des échanges, comprenant la réponse du Ministre, cliquez sur ce lien (page 30).

 

Notre monde est un système complexe, dans lequel un phénomène peut entraîner des conséquences très diverses. La gestion de la crise du Covid-19 permet d'illustrer comment la moindre décision peut produire un ensemble d’effets, dont certains seront bénéfiques, tandis que d’autres seront dommageables.


Prenons les mesures de confinement imposées par les États un peu partout dans le monde. D’un côté, les gens sont moins tombés malades, la pollution a drastiquement diminué et la nature a repris ses droits. Mais d’un autre côté, l’activité économique en berne menace d’accentuer encore la pauvreté, les violences conjugales ont augmenté, comme la détresse psychologique.


Chaque décision prise doit être soumise à une analyse coût-avantage, qui doit permettre de placer les bons curseurs aux bons endroits. C’est ce que font les États du monde qui s’attachent à la bonne gouvernance. Pourtant, il y a bien un domaine qui est actuellement promu, soutenu et largement financé par les pouvoirs publics alors qu’il entraîne quasi exclusivement des effets terriblement néfastes. Il s’agit de l’élevage d’animaux.


Notre société n’accepte plus la mort, a-t-on pu lire dans des billets d’opinion pendant la crise. Cela explique sans doute pourquoi, en 2020, nous avons accepté de mettre nos activités à l’arrêt. Il faut se réjouir de la valeur que nous attribuons aujourd’hui à la vie humaine. Mais dans le même temps, nous donnons la mort. A un rythme jamais connu dans l’histoire de l’humanité. Ce sont plus de 300 millions d’animaux terrestres tués chaque année dans les abattoirs de Belgique. 58 milliards à l’échelle mondiale.


Légalement parlant, chaque vie humaine compte. On peut se demander à partir de combien de morts la vie animale commence à compter. Apparemment, 58 milliards ne sont pas encore suffisants. Qu’est-ce qui justifie un tel gouffre dans notre considération morale, si ce n’est les stigmates d’un certain suprémacisme qui a poussé les hommes à commettre tant d’horreurs au cours de l’histoire ? Ce n’est en tout cas pas la science. Il y a 150 ans, Darwin apportait déjà les preuves des profondes similitudes entre les humains et les autres animaux en termes de capacités et de comportements. En 2012, treize des plus éminents neuro-scientifiques dans le monde signaient ce qu’on appelle la Déclaration de Cambridge, qui conclut que les animaux non humains possèdent une conscience analogue à celle des animaux humains. Nous exploitons des êtres qui, comme nous, ressentent le plaisir et la souffrance, développent des relations sociales complexes, connaissent l’empathie et l’angoisse, tiennent à leur vie. N’est-il pas frappant qu’en laboratoire, les chercheurs testent l’efficacité des antidépresseurs sur des souris avant de les rendre disponibles aux humains ?


Et pourtant, nous faisons subir les pires tortures à ces animaux dans le but de les manger. Mais c’est loin d’être la seule conséquence funeste de notre modèle alimentaire. Trois des plus grands périls auxquels l'humanité fait face sont majoritairement imputables à l'élevage d'animaux : le réchauffement climatique, la résistance aux antibiotiques et les zoonoses. Ce dernier péril est celui qui nous apparaît le plus clairement aujourd’hui. Selon l'OMS, 75 % des plus de 30 nouveaux pathogènes humains détectés ces dernières années sont d’origine animale. Des zoonoses, donc.


L'impact mondial de l'élevage intensif dans l'apparition de ces pathogènes se manifeste à deux endroits.

  • D'un côté, la production de viande accapare de très vastes surfaces de terre pour nourrir les animaux – on parle de 83 % des terres agricoles mondiales. Elle est donc un facteur majeur de déforestation. Et on sait très bien que la destruction des écosystèmes provoquée par la déforestation favorise le développement de maladies infectieuses puisqu'elle met les animaux sauvages directement en contact avec l'homme.

  • De l’autre côté, la concentration extrême à laquelle sont soumis les animaux détenus dans les élevages industriels constitue depuis toujours une véritable poudrière en matière de zoonoses. La promiscuité permet aux agents pathogènes de muter et de se transmettre facilement à l'ensemble du cheptel. Ce sont les causes des épidémies de grippe porcine et aviaire qui font régulièrement l’actualité.

Je pense que notre objectif politique à tous est de promouvoir la santé, d’empêcher la souffrance, d’amener une société moins inégalitaire, plus durable, plus résiliente. La production intensive de viande fait tout l’inverse. Elle favorise le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers, elle déforeste comme aucune autre industrie, elle façonne de nouvelles épidémies, elle précipite le changement climatique et la sixième extinction de masse, elle gaspille les ressources alimentaires et les surfaces de terre, elle condamne des milliards d’animaux à une vie et une mort atroces et elle contribue à la famine dans les pays du tiers monde.


La crise du Covid-19 n’est pas un coup du sort, c’est le résultat de notre rapport aux animaux. Pour que le secteur de l’élevage reste dans ses limites écologiques, c’est à dire un modèle extensif et biologique, un institut de recherche de l’UCL a calculé que la production et la consommation de viande en Belgique devraient diminuer de 83 %. Si elle souhaite montrer qu’elle a tiré les leçons de la crise sanitaire, ainsi que de toutes les autres, il me semble que la Région bruxelloise ne devrait pas viser un modèle moins ambitieux que celui-là.


Ma question est donc la suivante :


Compte tenu des risques de zoonoses que cause l’élevage d’animaux, et au regard de la crise sanitaire que nous traversons, la Région bruxelloise a-t-elle entrepris une réflexion en vue de rehausser ses objectifs en matière de réduction de la consommation de viande ?

 

Photo d'illustration : L214

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