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Premier bilan de la législature à l'occasion de la Déclaration de politique générale du Gouvernement

Intervention prononcée le 20 octobre 2023 dans le cadre de la Déclaration de politique générale du Gouvernement bruxellois.

 

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Monsieur le Ministre-Président,


Cela a été dit, cette rentrée parlementaire est la dernière avant les élections, et il est logique que la discussion générale que nous sommes en train de nourrir à propos de votre déclaration de politique générale prenne une allure de premier bilan de la législature 2019-2024. Les quatre dernières années ont été marquées par une série de calamités auxquelles les pouvoirs publics ont dû faire face.


Nous avons vu des résurgences des événements les plus critiques du 20ème siècle, à savoir, premièrement, une pandémie mondiale qui a ébranlé le monde, en tuant au passage 7 millions de personnes, soit près de 6 fois la population de Bruxelles. Deuxièmement, le retour de la guerre en Europe et ses conséquences, à une époque où l’horreur des conflits armés nous paraissait égoïstement bien lointaine. Et troisièmement, une crise énergétique suivie d’une crise économique, qui augmente la détresse et la pauvreté de nombreux foyers dans une Région où la misère humaine est déjà criante. Et pour preuve, le nombre de personnes sans abri a augmenté de 19 % par rapport à 2020.


Ces événements sont venus s’ajouter à d'autres bouleversements qui sont, eux, bien de notre siècle. À savoir bien sûr le dérèglement climatique, dont les effets ont seulement commencé à se faire sentir chez nous, mais aussi le retour du terrorisme dans nos rues. Et nul doute que le politique doit aussi trouver le moyen de répondre à la polarisation croissante des opinions, à la défiance envers les institutions démocratiques, ainsi qu’à la propagation et à la croyance dans les vérités alternatives. Vous l'avez très justement évoqué dans votre allocution, Monsieur le Ministre-Président, notamment en faisant allusion au nouveau guide EVRAS.


Il serait faux de prétendre qu’à son échelle, la Région bruxelloise n’a pas tenté d’apporter des débuts de réponse à ces différents problèmes.


Sur certains dossiers, les efforts et les initiatives doivent être saluées. Pour ce qui concerne notre Parlement, l’ouverture du travail parlementaire aux citoyennes et citoyens par le biais des commissions délibératives en est un bon exemple, même si l’outil peut bien sûr toujours être amélioré.


Il faut en tout cas faire la distinction entre, d’une part, les situations d’urgence et de crise que Bruxelles a dû gérer, ce dont on ne va plus débattre aujourd’hui, et, d’autre part, les projets, aboutis ou abandonnés, que le gouvernement s'était lui-même fixé.


Monsieur le Ministre-Président, vous avez cité à raison les importants investissements qui sont réalisés dans les principaux piliers de la politique de la Région bruxelloise. Notamment en matière social-santé et de lutte contre les inégalités. Il faut reconnaître les efforts consentis, dans une Région bien peu aidée du fédéral. Vu le taux dramatique de pauvreté et de sans-abrisme, la route est malheureusement encore très longue et les crises successives mettent à mal ces efforts. Il me semblerait très déplacé de considérer que la politique bruxelloise en la matière est une réussite. En témoignent les 7000 personnes sans logement dans les rues de Bruxelles, ce qui est totalement inacceptable. Mais il faut tout de même souligner les initiatives positives qui sont prises, notamment en matière de logement. Je pense au plan d’urgence logement, au moratoire hivernal contre les expulsions, au statut préférentiel pour les familles monoparentales ou encore à la future commission paritaire locative contre les loyers abusifs.


Mais dans le même temps, il me faut souligner que d’autres dossiers tout aussi importants ressemblent beaucoup à des rendez-vous manqués. Il est regrettable que, sur certains sujets pourtant primordiaux pour notre Région, on puisse véritablement parler de législature perdue. Je pense en particulier à la réforme promise du Plan Régional d'Affectation du Sol qui, on le sait maintenant, n’aboutira pas avant les élections.


Bien sûr, les discussions autour de ce texte sont complexes. Mais cela, le gouvernement le savait déjà en inscrivant ces révisions dans sa déclaration de politique régionale en 2019. Vous avez parlé d’étapes franchies en vue de la révision du PRAS, mais rappelons tout de même que ce qui était prévu, c’était la révision à proprement parler. Hier, vous avez également indiqué que durant l’année de travail qui reste, vous finaliserez la réforme du Règlement Régional d’Urbanisme. Cela contredit les échos qui nous parviennent, nous attendrons donc de voir.


Il est sans doute inutile d’expliquer pourquoi ces deux textes réglementaires, le PRAS et le RRU, sont primordiaux si nous voulons répondre correctement au plus grand enjeu de notre siècle. Tous les groupes d'experts en matière de climat et d’environnement n’ont de cesse de rappeler l’importance de la préservation des sols naturels, tant pour des questions d’absorption des gaz à effet de serre que de résilience face au changement climatique.


Si l’on veut préserver les générations actuelles et futures des effets les plus violents des catastrophes naturelles qui s’annoncent, il était donc notamment indispensable et urgent de réformer la réglementation bruxelloise en matière d’aménagement urbain pour y placer de manière centrale les enjeux climatiques. Mais force est de constater qu’on a perdu des années.

En l’état, il est évident que la politique d’urbanisation menée par le Gouvernement reste inadaptée à l'état du monde actuel. Beaucoup de projets en cours, notamment certains projets de PAD, semblent être des avatars de la Bruxellisation d'antan, ignorant les impératifs écologiques. Donderberg, Josaphat, Wiels, Meylemeersch, Neerpede ; ce sont autant de lieux emblématiques qui cristallisent la pression que nous continuons d’exercer sur les zones de nature sauvage, en dépit des alertes.


En l'occurrence, le logement est un autre des grands piliers de la politique régionale. Vous l’avez dit vous-même, le problème du logement à Bruxelles est un problème d'inégalités et d’accessibilité. Le problème n’est pas le nombre de logements, puisqu’il existe davantage de logements que de foyers bruxellois. La réponse adéquate est donc avant tout la régulation du marché, et certainement pas la construction sur les derniers espaces de nature de la Région !


Tout le monde le dit, tout le monde le sait, la Région est dramatiquement endettée. Beaucoup de mes collègues critiquent à raison le fait que les 600 millions d’économie annoncés par le gouvernement en matière de dépenses ne seront finalement pas réalisés pour cette année puisqu’il ne serait en réalité question que de 150 millions économisés.


Et il est évidemment vrai qu’il faut assainir la dette publique.


Mais il est encore plus vrai qu’il faut investir dans la prévention des risques plutôt que d’en payer le prix plus tard. Car comme on le sait, dans beaucoup de domaines, le coût de l'inaction est bien supérieur à celui de l’action. Si nous voulons véritablement réaliser des économies et éviter un creusement encore plus important de la dette à l’avenir, je pense que nous devons sortir encore davantage la tête du guidon court-termiste, et mieux tenir compte des impératifs environnementaux, sociaux et économiques. Cela requiert une remise en question de nos priorités et une réorientation des ressources vers les matières les plus pérennes et les plus efficaces.


Sur le plan du climat et de l’environnement, cette vision de long terme a, certes, progressé dans notre région, notamment par l’adoption du Plan-Air-Climat-Energie. Mais là aussi, la réponse apportée n’est encore que fragmentaire. En témoigne l’énorme travail qui doit encore être mené vers la réduction de l’impact environnemental indirect de la Région, ou encore vers une plus grande absorption des gaz à effet de serre essentiellement par les sols bruxellois.


Ce qui est vrai en matière de climat et d’environnement est aussi vrai en ce qui concerne la mobilité.


Si, d’une part, il faut saluer les efforts déjà menés en faveur de la mobilité active, l’offre en transports en commun, et donc in fine le shift modal, d’autre part, il faut tout de même lever les tabous et reconnaître les erreurs commises. À savoir principalement l’invraisemblable fuite en avant du gouvernement en ce qui concerne le projet de métro 3. À l’heure où vous peinez à trouver quelques millions d’euros d’économies à réaliser, il me semble que nous gagnerions à oser évoquer les solutions alternatives à un projet de métro, que ce soit son tronçon sud ou nord, dont le coût total serait actuellement estimé à 4,7 milliards d’euros. D’autant plus en sachant que le métro est très loin de représenter la solution de mobilité la plus efficace, la plus rapide à mettre en œuvre, la moins coûteuse et la moins polluante.


Monsieur le Ministre-Président, dans votre déclaration, vous avez indiqué à ce sujet que pour garder un budget soutenable, vous commencerez à ralentir le rythme des investissements, en ce qui concerne notamment les travaux du Métro 3, pour permettre de nous adapter à la réalité de procédure urbanistique et à l’échelonnage de la mise en service. Cette annonce mériterait peut-être une clarification et plus de précisions.


Et pour finir, je pense qu’un changement de paradigme est également indispensable en ce qui concerne notre rapport aux animaux. A ce titre, je regrette que cette thématique ne soit toujours pas jugée assez importante que pour être mentionnée dans une déclaration de politique générale. Alors que l’on sait, grâce aux sondages d'opinion, que les citoyens ont de grandes attentes en la matière.


Néanmoins, je me réjouis que, sauf grosse mauvaise surprise, la révision de la législation en la matière devrait aboutir avant les élections, sous la forme d'un code du bien-être animal.


Encore faudra-t-il examiner son contenu lorsque le texte sera enfin envoyé aux parlementaires, et bien sûr s'assurer que la compétence bénéficie d'un financement suffisant.


C'est important pour beaucoup de raisons, mais notamment parce qu'on sait que la maltraitance humaine est souvent le prolongement de maltraitance animale.


Et de la même manière que le saccage de notre environnement nous précipite vers des calamités à répétition, l'exploitation à grande échelle des animaux nuit gravement à notre santé, à la nature et donc aussi aux finances publiques, comme en témoigne notamment l'émergence de maladies zoonotiques.


Sur ces différentes matières et problématiques, Monsieur le Ministre-Président, il faut noter les initiatives déjà prises par votre gouvernement. Mais vous l'aurez compris, je pense aussi que trop souvent, les tabous, les intérêts court-termistes et le manque de prévision risquent de coûter cher à notre région, au sens propre comme au figuré.


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