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Droits des animaux à Bruxelles : courte rétrospective 2020


L’année 2020 n’est sans doute pas celle sur laquelle on a le plus envie de se pencher rétrospectivement. Après tant de mois marqués par des drames humains, une actualité anxiogène, des libertés mises entre parenthèses, des emplois perdus ou menacés, ou encore des projets annulés, l'approche de l’année 2021 s’accompagne d’un besoin vital d'optimisme.


Mais si la pandémie de Covid-19 a ralenti et mis à mal de nombreux secteurs d’activité, elle a aussi mis en exergue les nombreuses conséquences tragiques que provoque l’exploitation que l’humanité exerce sur la vie, et sur les animaux en particulier. Et les problématiques touchant à la condition animale ont également trouvé écho dans la petite Région de Bruxelles-Capitale et son Parlement.


Voici donc ma rétrospective animaliste de l’année 2020, répartie en 8 thématiques qui ont rythmé mon travail au Parlement bruxellois et l’action du Gouvernement. Cette liste est une sélection non exhaustive, centrée sur les animaux, des thèmes sur lesquels j’ai travaillé cette année.


1. La lutte contre la maltraitance animale

On n’y pense pas forcément, mais les lieux de détention d’animaux à Bruxelles sont en fait nombreux : laboratoires, marchés, animaleries, fermes pédagogiques, refuges, abattoir d’Anderlecht, élevages, cirques, mais aussi les particuliers. Or, pour toute la Région, il n’existe actuellement que trois (!) inspecteurs-vétérinaires habilités – au sein de l’agence Bruxelles Environnement – en matière de bien-être animal. Mission impossible, donc, si l’on veut vérifier que les animaux sont traités « correctement » (comprendre : dans le respect de la maigre protection légale dont ils disposent). En octobre dernier, j’ai donc déposé une proposition de résolution demandant un renforcement des services de lutte contre la maltraitance animale. La situation actuelle de carence est une problématique qui a fait l’objet de plusieurs questions parlementaires (par exemple ici) et articles de presse (ici et ici). Le recrutement d’un équivalent temps-plein serait prévu pour 2021, mais on reste loin d’un nombre suffisant d’inspecteurs. J’attends que ma proposition puisse être débattue, et,

je l’espère, adoptée.


2. La végétalisation des assiettes

Dans une carte blanche publiée sur le site du Vif l’Express, j’écrivais en avril dernier que trois des plus grands périls auxquels l'humanité fait face sont majoritairement imputables à l'élevage d'animaux : le réchauffement climatique, la résistance aux antibiotiques et les zoonoses (les maladies provenant des animaux, telles que le Covid-19). En plus de soumettre des milliards d’animaux aux pires horreurs dans les élevages et les abattoirs, notre consommation effrénée de produits d’origine animale a donc évidemment de nombreux effets délétères pour les humains. On le voit, végétaliser notre alimentation est notamment un impératif environnemental, bien plus que la promotion des circuits courts. En effet, en termes de bilan carbone, il est hautement plus efficace de se concentrer sur le contenu des assiettes que sur la provenance des aliments. Pourtant, les intentions du Gouvernement bruxellois sont très nettement plus ambitieuses en matière de circuits courts (dans le but que Bruxelles soit autonome à hauteur de 30 % d’ici 2035 en production de fruits et légumes) qu’en matière de réduction de la viande. À plusieurs reprises (comme ici, ici et ici), j’ai plaidé pour que la Région bruxelloise se dote d’une politique réellement volontariste en faveur des protéines végétales dans les restaurants de collectivités (notamment scolaires). Si elles vous intéressent, les réponses du Gouvernement sont en lien des articles/vidéos. Spoiler : il est prévu de rehausser les objectifs de la stratégie Good Food, mais c’est encore très timide.


3. L’interdiction de la détention de cétacés

La mesure est symbolique, mais pas que. Premièrement, s’il n’existe pas de delphinarium à Bruxelles, une interdiction de la détention de cétacés empêchera définitivement d’éventuels investisseurs très mal inspirés d’établir en Région bruxelloise un tel parc aquatique pour l’amusement du public, au détriment des animaux. Deuxièmement, la mesure enverra un signal aux régions et pays dans lesquels des delphinariums sont toujours en activité. C’est avec ces deux objectifs en tête que j’ai déposé, en juillet dernier, une proposition de résolution dans ce sens, cosignée par plusieurs autres députés, de la majorité comme de l’opposition. Le texte n’a pas encore été débattu officiellement, mais le Ministre bruxellois du Bien-être animal semble déjà avoir entendu l’appel, puisqu’il a annoncé en décembre dernier que la mesure (élargie aux pinnipèdes) devrait prochainement être adoptée.


4. La restriction du commerce de NAC

Aujourd’hui, le commerce et la détention de chiens et de chats sont soumis à un ensemble de normes, certes très insuffisantes, mais qui empêchent les pires abus : chaque animal doit être identifié et enregistré, l’élevage est réglementé, les commerçants ne peuvent importer des animaux que si leur provenance répond à certaines exigences légales... Pour ce qu’on appelle les NAC (« nouveaux animaux de compagnie » : reptiles, rongeurs, poissons, amphibiens, oiseaux, etc.), rien de tout cela n’existe, au point où on peut parler de gouffre juridique. Ensemble avec d'autres députés bruxellois, dont Gaëtan Van Goidsenhoven, nous avons déposé cette année une proposition de résolution visant à mettre de l’ordre en la matière. Long de 27 pages et de 24 propositions très concrètes, le texte se veut un programme complet et pragmatique des multiples manières d'éviter de vives souffrances à ces animaux vendus comme de vulgaires objets, notamment par une régulation de ce commerce (qui, si cela ne tenait qu'à moi, n'existerait pas). Nous attendons maintenant que le texte soit pris en considération par le Parlement et qu'il puisse être débattu. Entre-temps, le Gouvernement bruxellois a adopté une « liste positive » des espèces de reptiles pouvant être détenues (422 espèces), ce qui est un début.


5. La protection des pigeons des villes

Éminemment mal aimés, les pigeons urbains ne reçoivent pratiquement aucune considération à Bruxelles, et souffrent d’une condition sanitaire assez catastrophique. Quand ils ne sont pas victimes d’accident ou ne tombent pas malades à cause d’une alimentation inadaptée, ils sont capturés dans des cages pour ensuite être gazés par des sociétés de lutte contre les « nuisibles ». Si des mesures de réduction des populations de pigeons doivent être prises, leur premier critère doit être le respect des animaux. C’est dans ce sens que j’ai interpellé le Ministre de l’Environnement en octobre dernier. En parallèle, en découvrant que la SNCB et la STIB ordonnent de cruelles opérations de captures de pigeons, j’ai pris contact avec les deux sociétés de transport. La SNCB a alors décidé de mettre un terme à ces pratiques. La STIB, en revanche, ne semble pas vouloir entendre raison. La fin des captures et la mise en place d’une politique éthique de gestion sont pour moi des impératifs. Sur le plan juridique, ces captures à l’aide de cages sont pourtant formellement interdites, sous réserve d’une dérogation dûment justifiée et publiée au Moniteur belge (cf. annexe VI de l’ordonnance relative à la conservation de la nature). Pendant l’été, j’ai édité une note présentant les bonnes pratiques pour cohabiter en bonne intelligence avec les pigeons en ville.


6. L’aide aux chats errants

Si la stérilisation des chats domestiques est une (très bonne) mesure obligatoire à Bruxelles, elle tarde à porter ses fruits sur le terrain. En effet, les associations et refuges semblent unanimes sur le fait que le nombre de chats errants ne baisse pas. Le message ne semble donc toujours pas passé auprès des citoyens. Une situation très préoccupante quand on sait la vie de misère que mènent les chats dans la rue. À noter que la Région bruxelloise accorde des subsides aux communes qui en font la demande à des fins de stérilisation des chats errants. Mais selon les contacts que j’ai pu avoir avec certains mandataires communaux, j’ai le sentiment que cette possibilité n’est pas suffisamment connue de certains d’entre eux, ou du moins qu’elle n’est pas assez utilisée. En décembre, j’ai interrogé le Gouvernement au sujet de l’action des communes pour les chats (et ici à propos de la sensibilisation des citoyens).


7. L’expérimentation animale

Parmi les annonces faites par le Gouvernement bruxellois lors de sa formation en 2019, il y a l’objectif de « diminution drastique de l’utilisation d’animaux de laboratoire » (cf. la déclaration de politique générale, page 94). D’un côté, on peut saluer le fait que le Gouvernement accorde un soutien financier au monde universitaire pour le développement de l’une ou l’autre méthode alternative. De l’autre, on peut estimer que cet objectif ne pourra être atteint que via une vraie politique réductionniste appliquée au moment de l’autorisation ou non des projets de tests sur animaux. Or, il n’est pas clair si la Région mène une telle politique, ou si elle se cantonne à la vague règle des 3R, qui n’apporte pas de réelle réponse aux souffrances des animaux en laboratoire depuis les décennies qu’elle est censée être en application. Une remarque que j’ai exprimée plusieurs fois devant le Ministre du Bien-être animal (notamment ici).


8. La fin du gavage

Fin 2019, je déposais une proposition d’ordonnance visant à interdire en Région bruxelloise la commercialisation de foie gras issu du gavage (le gavage étant déjà une pratique explicitement illégale à Bruxelles). Avant de prendre mon texte en considération, le Parlement bruxellois a voulu solliciter un avis du Conseil d'État pour déterminer si la Région a légalement la possibilité de restreindre la vente de foie gras. S’en sont ensuivis cette année plusieurs échanges avec le Conseil d’État, qui m’a invitée à justifier et motiver plus avant ma proposition sur plusieurs aspects. En octobre, l’avis est officiellement tombé : il est très largement positif ! Cet avis n’est pas anodin : contrairement à une idée souvent brandie, il implique que Bruxelles (mais aussi la Wallonie et la Flandre) est bien compétente pour légiférer en matière de commerce à des fins de bien-être des animaux. À suivre, donc.


Et pour 2021 ?


C’était la bonne nouvelle des discussions budgétaires qui se sont tenues en novembre dernier au Parlement : à Bruxelles, la compétence du Bien-être animal reçoit en 2021 un budget augmenté de 500.000 € par rapport à l’année précédente, soit 1,5 million d’euros au total. Cela reste évidemment un budget rikiki par rapport à celui que reçoivent les autres compétences de la Région, mais on voit tout de même une volonté d’aller dans le bon sens.


Cette hausse permettra notamment d’apporter un soutien aux associations bruxelloises de protection des animaux, mais aussi de financer le développement d’alternatives au modèle animal en laboratoire, et d’engager un inspecteur supplémentaire pour lutter contre la maltraitance. J’ai émis plus haut mes réserves sur ces deux derniers points.


Enfin, en toute fin d’année, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu son arrêt – positif ! – concernant l'abattage sans étourdissement : « Afin de promouvoir le bien-être animal dans le cadre de l’abattage rituel, les États membres peuvent, sans méconnaître les droits fondamentaux consacrés par la Charte, imposer un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal. » De toute évidence, cet arrêt appelle l’adoption de cette mesure en Région bruxelloise. C’est certainement une thématique dont nous parlerons en 2021, en plus de celles listées ci-dessus et probablement encore d’autres.


Bonne année à toutes et tous !


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